Denis Larouche A

Germinal était le septième mois du calendrier républicain français, après 1793. Pour faire rupture avec le régime monarchique aboli, on avait inventé un nouveau calendrier dont les mois aux noms poétiques évoquaient le terroir. Ventôse, Pluviôse, Brumaire, etc…

J’ai retenu le nom de "Germinal" pour l’associer au "Big-Bang", semence ultime ayant donné naissance à l’Univers.

La série consiste en des lavis dirigés, guidés, pourrai-on dire, évoquant autant une explosion qu’une germination. J’ai renoncé à l’usage de la couleur pour donner préséance aux riches textures organiques obtenus avec l’encre.

Selon la théorie, le "Big-Bang" serait issu d’une singularité, un point sans dimensions qui se serait étendu de façon isotrope (égale dans toutes les directions), d’où la répartition relativement uniforme à très grande échelle, de la matière dans l’Univers, malgré les regroupements "locaux" où se sont formés les galaxies et les groupes de galaxies.

Mais d’un point de vue artistique, une telle répartition n’est pas très intéressante. Les théoriciens, je l’espère, ne m’en tiendront pas rigueur.

Lorsqu’un trou noir se crée, une gigantesque bouffée de photons très énergétiques est créée, nommée "sursaut gamma". Le projet de recherche POLAR[1] a démontré en 2019 que ces photons sont à la fois très organisés et très chaotiques. L’horizon du trou noir étant une barrière "mathématique" et non physique, il est naturel d’imaginer que ce sursaut gamma débute à la singularité même.

On peut facilement supposer que ce "chaos organisé" était aussi présent lors du Big-Bang. C’est ce que l’on retrouve dans cette série; une explosion donnant naissance à des courants à la fois organisés et chaotiques. Et les systèmes chaotiques, comme l’a si bien démontré Poincaré, introduisent des variations et une évolution dans le temps de ces systèmes. Je me permets de rappeler ici que "chaotique" signifie "imprévisible" et non pas "désorganisé".

Je termine sur un aspect fondamental de la physique quantique (que l’on ne retrouve pas en Relativité Générale), qui dicte que toute opération, tout changement doit être mathématiquement réversible dans le temps. En jouant sur ce principe, l’explosion du Big-Bang et l’implosion d’un trou noir pourraient être considérées comme opérations inverses dans le temps, images miroirs l’une de l’autre. Il y a conséquemment des similitudes visuelles dans les deux séries et chaque composition pourrait être considérée comme un "instantané" d’un phénomène, ou de l’autre.

[1] POLAR – Projet de recherché de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec l’Institut Paul Scherrer, de Villigen, l’Institut de Physique de Haute Énergie (Pékin), et le Centre National de la recherche nucléaire, de Swierk (Pologne).